L’urgence de soigner et l’urgence de prendre soin…
« Prends bien soin de toi »
Combien de discussions amicales se sont terminées par ce mots ?
Quand des situations médicales ou plutôt des situations thérapeutiques m’ont poussé à approfondir la réflexion derrière cette simple phrase…
Disséquée notamment par les travaux de Winnicott, une thérapie doit faire le lien entre la conception du soin qui prévaut aujourd’hui : un modèle centré sur le curatif : le Cure, Soigner et d’un autre côté une situation qui requiert un investissement relationnel étalé dans la durée : le Care, Prendre soin.
Certes tous deux désignent des soins, mais alors que cure vise le traitement médical et l’éradication de la maladie, care met l’accent sur l’attention portée à quelqu’un et sur l’intérêt qui est pris pour cette personne.
La question est donc bien là : la focalisation du traitant se fait-elle sur la pathologie ou sur le patient. Cette question est d’autant plus fondamentale qu’elle inscrira de fait la place du patient elle-aussi dans cette histoire : « le cancer du poumon de la chambre 112 » ou M. X, atteint ou porteur de cette pathologie.
Notre paradigme médical est ancré sur une construction organique segmentée de l’humain, qui, si elle a permis la connaissance précise de chaque élément du corps humain, a eu le défaut d’organiser les soins selon cette même structure, jusque dans l’architecture d’un hôpital et de ses services, trop souvent cloisonnés.
Cela ne poserait pas de problème si le défaut de communication entre ces services ne faisait que représenter très concrètement un manque de considération, au fond, de la communication des organes constituant l’humain au-delà de leur juxtaposition en un corps humain…
Le tout récent Prix Nobel de Médecine, décerné aux Américains Jeffrey C. Hall, Michael Rosbash et Michael W. Young, pour leurs découvertes des mécanismes moléculaires qui règlent le rythme circadien en est aussi un témoin marquant : le domaine de l’endocrinologie (les communication hormonales dans notre organisme) échappe encore pour beaucoup aux méthodes d’investigations actuelles, car ces mécanismes de régulation et de communication ne peuvent être compartimentés, les interactions entre les organes sont en elles-mêmes les moteurs de ce système.
Ayant œuvré dans l’industrie pharmaceutique pendant plus de 10 ans, j’ai été éduqué dans un premier temps à la culture du traitement médicamenteux, de ses possibilités extraordinaires ! Puis j’ai découvert l’ostéopathie, et m’y suis formé : en commençant justement par déformer cette vision organique vers une vision systémique.
Evidemment, chaque organe doit fonctionner, mais l’ostéopathie a pour tout premier fondement que l’humain est un, indivisible et individuel… Une prise en charge holistique impérative…
Chaque individu n’est considéré qu’entier, chaque
traitement se fera pour un patient donné selon l’adaptation de son organisme à ce qu’il a pu rencontrer dans sa vie.
Cela change fondamentalement la relation au patient, car on ne cherche plus uniquement quelle pathologie nous est présentée, mais comment le patient se présente, avec sa pathologie et sa plainte.
Les intervenants de médecine plus traditionnelle nous opposent souvent un effet placebo… J’ai l’intime conviction que justement : l’humain réagit obligatoirement, en conscience ou inconsciemment à sa prise en charge, quelle qu’elle soit, et développera toujours un effet placebo ou nocebo. Il incombe fondamentalement au thérapeute, autant que possible, de chercher à encourager cet effet placebo, réel adjuvant positif au traitement, plutôt que l’effet nocebo, vite enclin à mettre en echec une thérapeutique, aussi efficiente soit-elle chez d’autres.
Le patient doit être actif dans son soin : et pour cela, c’est bien lui que l’on doit placer au centre de notre attention !
Autour de lui se tiendra dès lors l’arsenal auquel il pourra faire appel : le corps médical et toute sa puissance d’investigation, de recherche, de traitements évidemment, et le corps paramédical par sa présence au patient, avec un travail formidable réalisé par les infirmiers notamment, mais aussi un espace pour permettre au patient de retrouver possession de son corps, de sa vivacité et de sa vitalité.
Dans cet espace, on trouve aujourd’hui le travail fantastique de la Cami par exemple, qui propose un accès au sport à des patients atteints de cancer : de danse, pour retrouver la grâce et la féminité de leur corps ; de karaté, pour devenir samouraï et trouver en soi les ressources pour tous les combats à venir… D’autres préfèreront retrouver, ou même trouver pour la première fois, cette énergie en eux par la Méditation, par le Yoga, par le Pilates…
Toutes ces initiatives précieuses ont le même but : redonner à celui ou celle qui est pris dans un quotidien thérapeutique sa place dans son aventure humaine.
L’OMS définit bien la santé comme :
La santé est un état de bien-être complet physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité.
A nous, soignants, d’être complémentaires pour amener nos patients à cet état de bien-être, à accompagner ces personnes qui viennent prendre soin d’elles !